La société bretonne Félor a mis au point une peinture écologique d’un genre nouveau :une peinture aux algues. Composée presque exclusivement de matières d’origines naturelles, elle ne dégage pratiquement pas de polluants volatiles. Une innovation prometteuse.
Les algues servent à tout. Bien connues en cosmétique, certaines sont aussi utilisées pour faire de la peinture. Le concept innovant provient de la société Félor, située près de Rennes, en Bretagne. Sa peinture Algo est composée à 98 % d’ingrédients d’origine naturelle et serait par- ticulièrement respectueuse de l’environnement. Avec « plus de tenue, de résistance » que d’autres peintures écologiques, selon le PDG de Félor, Lionel Bouillon.
Le pari de l’entreprise ? Utiliser une ressource locale et renouvelable. Et quoi de mieux que des algues récoltées à une heure seulement de l’usine ? La société s’est inspirée, voilà six ans, de l’utilisation des algues dans la cosmétique et l’agroalimentaire pour leur donnerun nouveau débouché. La ressource présente en effet nombre de propriétés intéressantes. Des laminaires (algues brunes) garantissent l’opacité d’Algo tandis que des algues dites cal- caires (algues rouges) car elles fixent cet élément, confèrent une certaine onctuosité facilitant son étalement.
La récolte se fait au large, notamment en mer d’Iroise, grâce à des bateaux équipés de « scoubidous », bras articulés munis d’un crochet, qui attrapent les algues et les remontent à la surface. Cette pêche un peu particulière est strictement encadrée. Les périodes de collecte – généralement l’été, où les algues sont les plus abondantes – sont clairement identifiées. De même que les zones de cueillette. Une activité habituelle en Bretagne.
Une ressource présente en quantité
« Entre 95 000 et 100 000 tonnes d’algues, utilisées dans l’agroalimentaire, les engrais agricoles, la cosmétique ou la médecine, ont été récoltées dans la région en 2013, indique Martial Laurans, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFRE- MER). Et les laminaires sont de loin les plus exploitées.»
Les algues destinées à la composition d’Algo sont, elles, rincées et séchées puis réduites en poudre. « On n’utilise que la partie pauvre de l’algue, la partie noble étant par exemple réservée à la cosmétique », souligne Lionel Bouillon. Les algues sont ensuite mélangées à une résine naturelle dérivée du colza qui sert de liant. Pour la couleur, on ajoute des pigments naturels, comme de l’ocre de Roussillon. La composition d’Algo est ainsi presque entièrement d’origine naturelle. Subsistent néanmoins quelques produits pétrochimiques.
« Le 100 % naturel aurait été possible techniquement, mais le prix de la peinture aurait été trop élevé.À l’heure actuelle, Algo coûte en moyenne 10 à 15 % plus cher qu’un produit classique, mais son pouvoir couvrant est plus important. » Des hydrocarbures en faible quantité toutefois, selon le fabricant, en comparaison des peintures traditionnelles « qui contiennent en moyenne entre 65 et 75 % de produits dérivés du pétrole ». Côté reconnaissance, Algo a reçu l’Écolabel européen. Une certification qui allie exigence écologique et performances techniques. La peinture dispose, selon son fabricant, d’un rende- ment de 12 m2 par litre et sèche, au toucher, une à deux heures après usage. Le produit est par ailleurs classé A+ pour ce qui est de l’émission de composés organiques volatils susceptibles de polluer l’intérieur d’un bâtiment. En effet, l’entreprise assure un taux d’émission de COV de 91 μg par m3 d’air, soit dix fois moins que le seuil minimum pour être classé A (1 000 μg par m3). La société Félor a par ailleurs fait effectuer une analyse du cycle de vie (ACV) de sa peinture, afin d’évaluer au mieux ses effets sur l’environnement.
Un label plus strict ?
Un produit aux caractéristiques intéressantes, donc. Mais qui pourrait avoir des garanties encore plus écolos selon certains. « L’écolabel européen et les produits en catégorie A+ sont assez répandus, explique-t-on au magasin bio Paris Espace Éco, ce n’est pas toujours suffisant à nos yeux. Le logo international Nature Plus, dont dispose par exemple la peinture Keim, offre peut-être plus de garanties.»Peinture d’intérieur, Algo, que le public avait pu tester au salon Marjolaine en 2012, s’adressait dans un premier temps aux pro- fessionnels. « Nous avons distribué près de 20 tonnes de peinture Algo, les retours sont très positifs et prometteurs.» Elle se tourne désormais également vers les particuliers et est commercialisée depuis un mois dans les magasins du groupe Mr.Bricolage. Prochaine étape pour son fabricant ? « Une peinture qui s’utilise en extérieur. À base de coquille d’huître, en complément des propriétés des algues ».